Les guerres en République démocratique du Congo, surtout à l’Est, ne sont pas seulement politiques. Ce sont aussi des guerres pour l’accès à la terre pour les uns, et pour maintenir le contrôle sur cette terre pour les autres. Dans cette multitude de relations de pouvoirs et de forces, on s’est rendu compte que dans la culture africaine en général, mais congolaise en particulier, la femme était un trésor. La femme représentait un peu la fierté de l’homme qui la possède.
Donc, une façon d’humilier son ennemi et de l’anéantir pour prendre le contrôle sur son espace a été identifiée : toucher le point le plus sensible, prendre les femmes, les filles, les violer systématiquement devant les hommes. Après ça, on a transformé les enfants qui vivaient ça en machines de guerre, des machines à tuer. Ça se fait de manière systématique, utiliser la violence pour montrer sa victoire sur les camps adverses.
Nous vivons dans un système patriarcal où il y a beaucoup de « valeurs », que je mets entre guillemets, qui définissent ce que doit être la femme. Comment elle doit se comporter, ce qu’elle doit faire et la faute d’avoir été violée est mise toute entière sur la femme pourtant victime de cette situation. Une femme qui est violée comme ça, elle est morte. Elle ne vit plus. Après avoir subi un tel acte, on ne vit plus. On respire, on survit. Souvent, c’est pour les autres. Pas pour soi-même. Si on a eu des enfants, si on a une famille, c’est pour ces gens-là qu’on continue à respirer.
On a le Dr Mukwege, le prix Nobel qu’il a reçu. Pour nous c’est une reconnaissance que cette souffrance a bel et bien existé. Que quelqu’un qui a contribué à alléger la souffrance des femmes puisse être reconnu, ça nous a soulagées. Nous n’avons de cesse que ce génocide soit reconnu. C’est pour cela que la RDC a été appelée la capitale du viol, c’est un génocide.
ANNY, 37 ans, congolaise. Directrice et fondatrice d’AFIA MAMA, association féministe pour les droits des femmes.
Il fallait rembourser nos dettes, on n’avait pas assez d’argent pour tenir le mois avec comme seule ressource un petit lopin de terre. J’ai mis au monde six enfants, cinq ont survécu. J’ai quatre filles et un garçon. Ma fille aînée a 31 ans, la deuxième 24, la cadette 22, la plus jeune 13 ans et mon fils a 21 ans. Il fallait bien nourrir et habiller mes enfants. On n’y arrivait pas, alors nous sommes allés chercher du travail. J’avais une amie qui travaillait sur ce site à trier les ordures.
Ce n’est pas facile de travailler dans ces conditions, il faut toujours faire très très attention et bien se protéger. On ne sait jamais ce qui va survenir, il y a du verre, des débris, on trouve des aiguilles aussi. Le bulldozer et le bruit incessant des machines me font peur, mais on gagne assez pour survivre.
Mes enfants sont grands maintenant. Nous vivons tous ici dans la même maison. Les maisons sont en tôle. On doit aller chercher l’eau. La vie est dure ici et il arrive que les hommes aillent boire là-haut et quand ils boivent trop et bien ils sont violents. On a tous des soucis, on supporte, on travaille et on arrive juste à s’en sortir. Notre vie s’écoule ainsi.
SANU NANI, népalaise. Sanu Nani est membre de la communauté des recycleuses de déchets qui travaillent de manière informelle dans la vallée de Katmandu.
Je dois élever la voix en tant que femme seule, sans mari. Je dois me faire entendre pour que personne ne fasse tort à mes enfants. Pour tout. Notre vie en Syrie et notre vie ici, ça n’a rien à voir. Nous avions des maisons. Nous nous retrouvons dans un camp, sans rien. Nous avons tout perdu.
Dieu merci, nous sommes en vie et prenons notre mal en patience. Mais je ne veux pas me taire. Je veux défendre mes droits. Parce que ce sont les femmes qui donnent la vie, qui élèvent les enfants, qui tiennent toute la famille, qui sont au fondement de tout. Les femmes représentent la moitié de la société. Elles doivent avoir davantage de droits.
Les gens disent : « c’est une femme, pourquoi hausse-telle la voix ? La femme ne devrait pas parler. Elle a des fils, eux peuvent parler ». Mais moi je réponds : « non, c’est à moi de défendre mes enfants. Je suis la femme et l’homme ». C’est ce que je leur dis tout le temps : « moi, je suis la femme et l’homme, et je défends mes enfants ».
RAJWA, syrienne.
On est venu m’informer que mon fils Ahmad avait été blessé. J’ai pensé que ce n’était pas grave, parce qu’Ahmad avait souvent été blessé par le passé : une fois une blessure grave au genou, une fois à la tête, une fois une blessure avec une balle en caoutchouc dans la jambe… Cette fois-ci, je n’y croyais pas. Il y avait un mariage au village ce jour-là. Ahmad s’y rendait, il s’était lavé et bien habillé. La fête commençait à 10 heures. Mais les gens m’ont dit qu’il s’était rendu au check-point et qu’il avait été blessé là-bas.
On a décidé d’aller tous ensemble voir au check-point. On a attendu jusqu’à 3 heures que les Israéliens arrivent, ouvrent le check-point et nous laissent passer. Puis on est allés à l’hôpital, et on l’a vu sortir de la chambre d’opération. Il est resté une semaine là-bas. Il était méconnaissable, tellement son visage était tuméfié. Il était à bout de forces. Méconnaissable. Je savais qu’il ne s’en sortirait pas. Au bout d’une semaine, le jeudi, j’étais inquiète, je suis allée à l’hôpital. Les médecins m’ont dit que je n’avais pas le droit d’entrer. Je leur ai dit : « Non ! Je veux le voir ! » Ils m’ont dit : « Si tu vas le voir, tu nous promets que tu pars ensuite ? »
Je le leur ai promis. Je suis entrée dans sa chambre. J’ai vu qu’ils avaient débranché les appareils. Ils lui avaient fermé les yeux avec du sparadrap. Je leur ai demandé pourquoi ils lui avaient clos les yeux. À cause de la lumière ? Ils m’ont dit que oui. Ils ne m’ont pas dit qu’il était mort. Je suis sortie et me suis assise en haut des escaliers, sans rien ressentir de spécial. Quelques instants plus tard, mon neveu qui travaille comme infirmier dans cet hôpital est venu me voir. Il pleurait. Il m’a dit : « Ô ma tante, Dieu donne la vie et la reprend. Ahmad nous a quittés ». Là, je me suis effondrée. J’ai tellement pleuré et crié que tout l’hôpital a tremblé.
Ça fait trois ans que je n’ai pas mis les pieds dans une fête, même aux mariages de mes proches. Ma nièce s’est mariée, et même là, je n’ai pas eu le cœur d’y aller. Je ne peux plus voir de jeunes mariés, je n’ai plus le cœur à ça. C’est une perte trop grande. Perdre sa mère, son père ou son frère, d’accord, mais son fils…
AFIFA, palestinienne. Les attaques des colons et de l’armée israélienne, l’expropriation, la destruction des cultures et les déplacements forcés ont de graves conséquences sur la vie et la santé des populations palestiniennes.
C’était en juin. Il était 20 heures. Il faisait nuit. On était à la maison. Des Raia Mtomboki sont arrivés et sont entrés. Ils ont attrapé mon mari, ils lui ont mis un coup de couteau dans le cou et l’ont tué. Ensuite, ils m’ont attrapée et m’ont dit qu’ils allaient me tuer aussi, devant mes trois enfants : deux garçons et une fille. Mais ils m’ont emmenée et m’ont violée dans la forêt. Beaucoup sont morts, ils ont brûlé beaucoup de maisons, et des enfants en bas âge, des grands et des personnes âgées, mais moi on m’a violée.
Je suis à huit mois… Huit mois qu’ils m’ont fait cela. Quand j’y repense, je sens une tristesse qui m’envahit. Cet enfant, je vais m’occuper de lui comme je m’occupe des autres et je vais bien l’élever, car je suis en vie, grâce à Dieu. Je ne peux pas le discriminer ni le traiter différemment des autres, lui aussi est un enfant. Mais plus tard, ne va-t-il pas me demander qui est son père, une fois qu’il sera en âge de raison ? Comment vais-je lui répondre ?
Je ne peux pas encore retourner dans le village de mon mari. Là-bas, ils vont d’abord me dire que je suis une femme des Raia Mtomboki maintenant. Ensuite, ils diront que je ne peux pas porter un enfant dont je ne connais pas la famille. Je ne peux pas songer à me remarier, ni à être avec un homme, ni à me mettre en couple. Je ne pense qu’à m’occuper de mes enfants et à bien en prendre soin. Je ne pense qu’à cela.
ÉLYSÉE, congolaise. Élysée a été recueillie et soignée à l’hôpital de Panzi où le Dr Mukwege répare les femmes.
J’ai compris que j’étais différente à l’âge de 14 ans. Je le savais, mais je n’avais personne avec qui en parler, jusqu’au moment où j’ai sympathisé avec une fille de l’école. Nous sommes devenues amies. Je ne savais pas comment lui parler de ce que je ressentais. Un jour, alors que ma mère n’était pas là, nous avons vu une scène dans un film romantique à la télévision où deux filles s’embrassaient. Nous nous sommes embrassées aussi.
Au Cameroun, il y a une loi qui interdit aux personnes de même sexe d’avoir une relation. Notre relation était notre secret, nous n’en parlions pas en public, nous ne nous tenions pas la main en public. Les gens pensaient que nous étions juste meilleures amies. C’est resté un secret jusqu’à mon dix-huitième anniversaire.
Nous rentrions de l’université. Ma mère était encore en déplacement. Après être allées au restaurant, nous avons décidé de rentrer chez moi. Nous pensions y être en sécurité. Soudain, nous avons entendu des coups à la porte. C’était la police. Je ne sais pas qui leur avait raconté. C’était peut-être les voisins. On nous avait fait suivre, une policière nous avait observées pendant plusieurs jours.
La police nous a arrêtées. Pendant qu’on nous traînait jusqu’au commissariat le plus proche, tout près de chez moi, les voisins sont sortis pour nous jeter des pierres, hurlant à la malédiction. « On le savait, sorcières, ne revenez jamais, il faut les guérir ». Ils parlaient de nous déshabiller en public. Il n’y avait personne que nous pouvions prévenir. On nous a mises dans des cellules séparées.
Nous avons été torturées. Moi, en tout cas. Je ne sais pas ce qu’elle a subi. C’est la dernière fois que je l’ai vue. Ils ont tout fait pour que nous ne nous revoyions pas. Ça a été pire pour moi, parce que je crois que de son côté à elle, ses parents, son frère étaient un peu sensibles à sa situation. Ils pouvaient la défendre, s’occuper d’elle. Il n’y avait personne pour venir me chercher. Je suis restée un mois là-bas. C’était terrible.
On m’a torturée, on m’a forcée à faire des choses que je n’avais jamais faites avant. Je ne sais pas comment le dire. Je n’ai pas envie d’en parler. J’étais encore vierge à l’époque, je n’avais jamais fréquenté un homme. Je restais là et les hommes entraient, chacun leur tour. Ils me disaient : « Je vais t’apprendre une leçon. Je crois que tu es comme ça parce que tu n’as pas encore eu d’expérience avec un homme. Quand tu quitteras cette cellule, tu n’auras plus jamais l’idée d’avoir quoi que ce soit avec une femme ».
DORINE, 26 ans, camerounaise.
À l’université, je me faisais draguer par des garçons, j’essayais d’être normale, de me cacher, de m’habiller comme les autres filles… J’ai essayé de sortir avec des garçons ou de répondre à leurs avances, mais je n’y arrivais pas. J’avais peur des gens, de la police. La rumeur courait déjà que j’étais homo. Il y avait ce garçon dont je refusais les avances depuis longtemps. Nous étions dans la même classe. Il m’a violée. Il avait entendu les rumeurs et il a appelé ça une « correction sexuelle ».
Il m’a menacée de me dénoncer, d’appeler la police… Finalement, je l’ai dénoncé. Mais quand j’ai expliqué à mon père que j’avais été violée à cause de mon homosexualité, il ne m’a pas prise au sérieux. Pour lui, il valait mieux se faire violer que d’être homo. Sur les conseils de mon oncle, il m’a amenée voir une espèce de guérisseur. J’étais effrayée. Ce guérisseur m’a entièrement déshabillée. Il a pris des feuilles qu’il a trempées et m’a frappée dessus avec en parlant dans une langue que je ne comprenais pas… C’était censé me « corriger ».
Mon coming out, le viol, l’enfermement, c’est vraiment la pire période de ma vie. J’avais peur, je ne savais pas quoi faire. Après trois ou quatre mois, j’ai découvert que j’étais enceinte. J’ai voulu me faire avorter. Ça fait bizarre de dire ça aujourd’hui parce que j’aime mon fils. Mais ils ne m’ont pas laissée faire. Ils pensaient peut-être que cela allait me guérir. Mon père a tenté d’entrer en contact avec sa famille. Pas pour le dénoncer ou raconter à sa famille ce qu’il avait fait, mais pour discuter, leur dire qu’il m’avait mise enceinte et leur demander s’il comptait venir me demander en mariage…
On ne peut pas vivre caché toute sa vie. Quand tu es homosexuel, on t’humilie, on parle dans ton dos, tu as peur de te promener quand les gens savent. D’où je viens, l’homosexualité est passible d’une peine d’emprisonnement. On voit ça comme ça, comme quelque chose de diabolique, une sorte de possession.
En ce moment au Kenya, on essaie de faire abroger l’article du code pénal qui criminalise l’homosexualité. Je ne fais pas partie du collectif qui travaille à cette abrogation mais je suis en contact avec eux depuis Londres. Cela fait des années et des années qu’ils mènent ce combat.
DIANA, 28 ans, kenyane.
DORINE et DIANA ont toutes deux fui leur pays d’origine où l’homosexualité est criminalisée.
Mes parents étaient merveilleux. À l’école j’avais de bonnes notes mais j’ai rencontré mon mari et j’ai voulu l’épouser. Le fait que je sois née dans le quartier de Nadejda m’a peut-être influencée. La tradition, c’est la population elle-même qui l’impose, les gens pensent que c’est normal, que c’est ainsi. Mes parents étaient fermement opposés à notre mariage, mais j’ai insisté. Ils ont fini par céder et nous nous sommes mariés. Il avait 18 ans, j’en avais 14.
Je suis fermement opposée à l’idée de se marier aussi jeune. Évidemment, une fois mariée, tu t’occupes de ta vie de famille, en bonne femme au foyer. Et puis viennent les enfants, car tout le monde, la belle-mère, le beau-père, la communauté, veut des petits-enfants.
Mon beau-père, qui avait 47 ans à l’époque, s’est inscrit à l’école pour terminer ses études secondaires. Ensuite, mon mari a fait de même. Cela m’a donné envie de terminer mes études secondaires, mais je n’osais pas en parler parce que les femmes n’ont pas le droit d’étudier ici. C’est mon mari qui m’a inscrite, sans rien me dire, à des cours du soir. Au début, tout le monde s’y opposait. Mais mon mari et moi, nous n’avons pas abandonné.
J’ai terminé mes études secondaires et je me suis inscrite à l’université de médecine de Varna. J’ai été admise avec 5,25/6 de moyenne générale et me suis spécialisée pour devenir sage-femme. J’ai entamé ma quatrième et dernière année, je suis interne. À la fin de mon internat, je serai diplômée. C’est grâce à mon mari que j’ai fait tout cela.
Mes fils ont 9 et 5 ans. Nous avons changé de quartier, pour qu’ils ne soient pas influencés par cet environnement. Je ferai tout mon possible, comme le fait mon mari, pour éduquer mes fils et en faire des citoyens de Bulgarie à part entière.
MAGDALENA, 28 ans, bulgare. Magdalena a grandi dans l’enceinte du ghetto Rom de la ville de Sliven, à l’est de la Bulgarie, où la plupart des filles sont mariées dès l’adolescence.
En 1995, j’ai été agressée sexuellement par les FARC, qui occupaient majoritairement le territoire du Valle de Cauca. J’étais sortie faire des courses pour le petit-déjeuner quand ils m’ont enlevée. Ils étaient plusieurs, je n’ai pas pu me défendre.
Ça a toujours été dur d’aborder le sujet. Après avoir été violée, on se sent très mal, on se sent sale, c’est horrible. On pense même que tout s’écroule. En plus de m’avoir gardée pendant deux jours dans la montagne, les FARC ont fait de moi ce qu’ils voulaient. Je n’ai jamais rien dit, ni à ma famille, ni à personne, pendant tout ce temps les seuls à s’être rendu compte de quelque chose ont été mes patrons parce qu’ils ont vu dans quel état je suis revenue le jour où ils m’ont balancée sur la route. Ils m’ont frappée, ils m’ont maltraitée, insultée. Moi, par crainte des représailles contre ma famille, je n’ai rien dit.
Après ça, j’ai essayé de reprendre une vie normale. Jusqu’au déplacement… Mes enfants étaient devenus des hommes. Mon fils aîné avait quelque chose comme 20, 21 ans. Les FARC ont voulu l’enrôler. Il ne le voulait pas et moi non plus d’ailleurs. Un ami m’a alors informée qu’ils avaient prévu de tuer mon fils, parce qu’il ne les avait pas rejoints : « Sors le gamin de là, parce qu’ils vont le tuer ». C’était un ami très cher, très proche de nous. Cette nuit-là, il est parti travailler et ils l’ont tué, lui. Ils avaient appris qu’il m’avait prévenue. Ils lui ont accroché une pancarte disant que c’était un cafard.
Au matin, j’étais en route pour la mairie quand deux hommes cagoulés sur une moto m’ont arrêtée et m’ont menacée : j’avais 24 heures pour déguerpir avec mon fils, sans quoi ma famille en subirait les conséquences. J’ai continué mon chemin, effrayée, jusqu’à la mairie, où une magistrate m’a donné une lettre que je pouvais utiliser n’importe où, pour porter plainte et expliquer pourquoi on m’avait déplacée. On s’est ensuite déguisés, mon fils et moi, on est montés dans un taxi, et la police nous a accompagnés une partie du chemin.
On avait juste de quoi aller jusqu’à La Tebaida, dans le Quindío. On est arrivés au parc de La Tebaida avec mille pesos en poche et trois ou quatre vêtements de rechange. On avait froid, on avait faim, bref, la misère. J’ai dit à mon fils de s’acheter un café et un petit pain parce qu’on n’avait pas assez pour autre chose et que moi aussi je prendrais un café. Il m’a dit : « Et ta cigarette ? Parce que tu ne peux pas te passer de ta cigarette ». Je lui ai dit : « Oui, mon cœur, je fume une cigarette et je prends un café. Et toi, tu prends ton café et ton petit pain ».
DIANA, 50 ans, colombienne. En 52 ans, le conflit armé en Colombie a fait 220 000 morts, 40 000 disparus et 6 millions de déplacés internes.
J’étais à la maison. C’était jour de marché. J’ai prévenu mon mari que j’allais chercher du détergent. Il m’a dit de faire vite. Je suis passée voir ma maman qui vend des légumes au bazar et je l’ai aidée un peu. Une personne handicapée est arrivée, alors je l’ai aidée aussi, avant d’aller manger un snack avec ma petite sœur. Nous nous sommes ensuite dirigées vers la maison. En chemin, quelqu’un m’a attaquée par derrière et m’a jeté de l’acide sur la tête. La petite aussi en a reçu sur ses joues. J’ai reçu des coups de couteau, des coups sur la tête et ailleurs. Je me suis écroulée et j’ai perdu connaissance.
Depuis, la peur ne me quitte plus, seuls les rêves me permettent de m’évader. J’ai tout le temps peur. Ce qui me hante, c’est que l’avenir de mes enfants est foutu. Avant, je n’avais peur de rien, j’allais, je venais, je parlais aisément à tout le monde. Si j’avais été plus instruite, peut-être que j’aurais compris et que cela ne se serait pas produit. Il faut prévenir les jeunes filles. Il faut leur faire peur, pour qu’elles se méfient des garçons.
Les femmes mariées aussi. On pense que tout ira bien une fois mariée et que l’on sera respectée, alors qu’on n’est jamais à l’abri. Mais c’est compliqué, les femmes au village ne comprennent pas grand-chose, il faudrait un lieu dans le village où on peut expliquer tout cela. Il faudrait aussi ouvrir un foyer où l’on prendrait soin des femmes qui ont été amochées pour toujours et expliquer aux gens qu’il n’y a pas que la beauté physique qui compte, que la beauté intérieure est tout aussi importante.
BASANTI, 29 ans, népalaise. Basanti a été brûlée à l’acide par un ami de son mari qui la harcelait et dont elle refusait les avances.